De la commedia dell’arte émaillée de pépites marionnettiques
Que d’agitation autour du lit de malade du vieil Argan ! Si le grand bourgeois, hypocondriaque et avare, compte mettre à profit la pitié générée par ses diverses afflictions (réelles ou imaginaires) pour imposer sa volonté, les nombreux personnages qui gravitent autour de lui espèrent quant à eux profiter de sa faiblesse pour poursuivre leurs propres desseins… Sa deuxième épouse, l’hypocrite Béline, a surtout des visées sur l’héritage tandis que sa fille Angélique espère échapper au mariage arrangé par son père, grâce à la sagesse du savant Béralde et à la ruse de la servante Toinette. Sans oublier la ribambelle de médecins fantasques et pédants qui se bousculent à son chevet pour y délivrer des conseils plus complaisants que compétents…et encaisser des honoraires au passage.
Ce drôle d’imbroglio aux moults rebondissements est traduit par une mise en scène toute droite inspirée de la commedia dell’arte italienne et de ses sulfureux personnages. Parmi les comédiens survoltés qui dominent le plateau, les marionnettes apparaissent comme autant de visions grotesques et hallucinées d’un malade possédé, soulignant la prodigieuse théâtralité de l’oeuvre testamentaire de Molière. Après avoir exploré, puis développé le grisant assemblage acteurs–marionnettes dans L’Ours de Tchekhov et La Cantatrice Chauve d’Ionesco, Cyril Kaiser exhorte ici le génie et l’humour mordant de Molière et sa conviction ultime : celle que le théâtre est un remède pour l’âme.